NOM A JAMAIS MÉMORABLE


185ème semaine

Du lundi 11 au dimanche 17 février 1918

Ce blog se poursuit sur un double plan temporel :
- avec une correspondance exacte de cent ans pour les Anduziens
- avec une chronologie reprise depuis le début 1914 pour les Tornagais

INCERTITUDES 1…

Les incertitudes ne sont pas rares dans les relevés des morts de la guerre de 14-18. On en a un cruel exemple chez les jeunes Tornagais dénommés FAISSE. Sous ce nom de famille, avec presque le même prénom, on trouve deux possibilités :
1 – FAISSE Fernand, né le 15 mai 1881 à Tornac, mort le 7 juin 1915 à Bar-le-Duc. Celui-ci figure sur le livre d’or de Nîmes, mais pas sur celui de Tornac.
2 – FAISSE Fernand-Jules, né le 10 mars 1891 à Tornac, mort le 8 janvier 1915 à l’Hartmannswillerkopf (Alsace). Celui-ci figure sur le livre d’or de Tornac.
Et un seul Fernand FAISSE figure sur le monument aux morts de Tornac. Duquel s’agit-il ? Dans le doute, nous avons suivi ces deux jeunes gens dans leur dernier parcours, en commençant par celui qui est mort le premier.

Fernand FAISSE, soldat au 106ème Régiment d’Infanterie
Mort de ses blessures le 7 juin 1915 à Bar-le-Duc (Meuse)


Fernand FAISSE est né à Tornac le 15 juin 1881, de Louis et d'Ernestine Flavard, il est marié avec Emma Augustine Nicolas. Il exerce le métier de pâtissier. Au moment de son appel, à l’âge de 20 ans, il est ajourné provisoirement puis définitivement pour faiblesse. Ajournement qui ne tient pas lorsqu’il faut recruter en masse. Il est donc incorporé au 40 RI à Nîmes le 30 octobre 1914.

Il arrive dans un régiment déjà horriblement éprouvé par les premiers combats. Deux Tornagais y sont déjà morts dans de terribles combats en Lorraine : Albert Gout le 6 septembre, Paul Pomaret le 17 septembre, et neuf Anduziens.


Voici l’historique officiel du 40 RI pendant les quatre mois qu’y passe Fernand FAISSE :
« Secteur de Saint-Mihiel (5 novembre-17 décembre). - Le 5 novembre, le 40ème est échelonné en profondeur, en deuxième ligne, depuis les tranchées du bois de Chauvoncourt jusqu'à Rupt-devant-St-Mihiel ; le 7, il relève dans le secteur de Malinbois, le 58ème R.I., il a à sa gauche le 42ème colonial, à droite le VIIIème C.A. Le ravitaillement en eau et en vivres est fait depuis Rupt-devant-St-Mihiel par les mulets des mitrailleuses ; il est très pénible à cause de l’état des chemins. Les tranchées de première ligne et les défenses accessoires sont insuffisantes : les hommes travaillent à les renforcer.
Le 11 novembre, à 22 H., une demi-section de la 8ème Cie commandée par le sergent Thibault, enlève à la baïonnette, la maison du garde-barrière, occupée par les allemands. Elle s’y installe et s’organise fortement. Cette opération est facilitée par la prise d’un boqueteau situé en avant de la lisière Est du Malinbois.
Le régiment, relevé le 13 novembre au soir par le 58ème R.I. vint au repos à Rupt ; une partie bivouaque à la côte 325. Le lendemain, il est organisé, dans la division, une Cie de volontaires ; le 40ème fournit 60 hommes avec le s/lieutenant Campana.
Le 16 novembre, ordre est donné au régiment de se porter à l’attaque des tranchées allemandes de la côte 277, précédé par la Cie de volontaires de la division. L’attaque, préparée pendant une demi heure par notre artillerie, se déclenche à 14 H. 30. La Cie franche progresse quelque peu, mais elle est arrêtée vers 16 h. par le feu intense de l’ennemi. Le 3ème Btn du 40ème, qui reprend l’attaque pendant la nuit, s’empare de la première ligne de tranchées à 3 h. ; une contre-attaque des allemands l’en chasse une heure après. Dans la journée, notre artillerie prépare une nouvelle attaque : nos troupes à peine sorties des parallèles de départ, sont écrasées par le feu ennemi. Le 18, le 58ème relève dans le Malinbois, le 40ème qui va cantonner à Rupt-devant-St-Mihiel et Pierrefitte. Ces deux régiments alternent entre eux dans le secteur de Malinbois par périodes de 3 jours. Le 25, relevé par le 311ème, le régiment va à Lahaymeix et Thillonbois, d’ou le lendemain le 2ème Btn va prendre les avants-postes sur la ligne Woimbey-Dompcevrin. Le régiment est échelonné en profondeur ; il reste dans ce secteur jusqu’au 17 décembre ; les relèves ont lieu à l’intérieur du régiment. Ordre est donné aux chefs de bataillon de faire l’instruction des cadres et des hommes.
Attaque du bois de Forges (20-25 décembre).- Une attaque doit être exécutée sur les positions ennemies entre la Meuse et Montfaucon : La 30ème D.I. a pour objectif le Bois de Forges, les côtes 272 et 281. L’attaque a lieu pendant quatre jours consécutifs du 20 au 23 inclus. La division gagne du terrain sur les pentes au nord du ruisseau de Forges, où après avoir subi de fortes pertes, elle creuse des tranchées et s’organise. Elle repousse une violente contre-attaque allemande le 23. Le temps est très mauvais, il neige ; le ravitaillement est très difficile ; les hommes tiennent quand même.
Le 24, le 40ème relevé par le 55ème va cantonner à Esnes et Montzéville ; l’extrême fatigue du régiment rend la marche lente ; beaucoup d’hommes ont les pieds gelés. Pendant les quatre jours que le régiment reste dans ces cantonnements, les hommes nettoient les effets et les armes, ce qui n’avait pu être fait depuis le départ de Lahaymex.
Secteur de Béthincourt (28décembre 1914 – 12 janvier 1915). – le 40ème relève, le 28 décembre, le 61ème R.I. dans le secteur au nord de Béthincourt (entre la route de Cuisy et la route de Gercourt). Les tranchées sont en très mauvais état, elles sont remplies d’eau et les parapets s’éboulent, les boyaux de communication n’existent pas. Les travaux d’amélioration commencent immédiatement, malgré la pluie incessante. Le régiment alterne avec le 61ème dans ce secteur jusqu’au 9 janvier 1915, par période de 4 jours. Le temps reste très pluvieux ; les travaux d’amélioration n’avancent pas, l’eau envahissant constamment les tranchées.
Le 9 janvier 1915, le régiment après relève par le 61ème R.I. va cantonner à Chattancourt, Cumières et Marre, villages qui seront ses cantonnements pendant les périodes de repos. Les hommes sont occupés à des travaux de propreté.
Secteur de Raffécourt (12 janvier – 7 mai 1915). – A partir du 12 janvier, la relève se fait à l’intérieur de la Brigade, les régiments restent alternativement quatre jours en première ligne et quatre jours au repos, ceci jusqu'à la fin du mois de mars, époque à laquelle, le temps devenant meilleur, les périodes sont portées à six jours. Ce même jour le 40ème relève le 58ème dans le secteur de Raffécourt-Forges, secteur que la 59ème brigade conservera jusqu’au 7 mai. Pendant cette période de 4 mois, le 40ème fournit un travail considérable : en première ligne, les tranchées qui étaient en mauvais état, sont approfondies et clayonnées, les abris construits, les boyaux de communication creusés, les défenses accessoires crées pour ainsi dire de toutes pièces ; de plus, les corvées vont jusqu'à Béthincourt chercher le matériel nécessaire, ce qui est une cause de grande fatigue pour les hommes en même temps qu’un retard dans le travail. Pendant les périodes de repos, les Cies de Chattancourt fournissent des travailleurs pour la mise en état de la défense du Mort-Homme. Le secteur, assez agité au début, ne tarde pas à devenir relativement calme ; notre plus grand ennemi est la température ; les hommes, n’étant pas habitués au climat froid et humide de la Meuse, sont très éprouvés et les évacuations par bronchite sont nombreuses ».

Fernand FAISSE passe au 106 RI le 9 mars 1915. C’est le moment des pires combats dans le secteur de sinistre mémoire des Eparges.


Voici ce qu’en écrit l’historique de ce régiment :
« LES ÉPARGES ! Nom à jamais mémorable dans les annales du 106e, nom terrible par les deuils, les sacrifices, les souffrances qu'il représente, nom glorieux aussi par les héroïsmes dont il évoque le souvenir. Pendant quatre mois, sans connaître une seule défaillance, officiers et soldats, réservistes et recrues des dernières classes rivalisèrent d'ardeur pour tenir l'ennemi en haleine, pour rendre par le travail d'organisation notre ligne inviolable, pour enserrer plus fortement la position adverse en poussant jusqu'à elle tranchées et boyaux d'où devaient partir nos attaques. Ni les bombardements incessants sur nos tranchées, nos communications, nos cantonnements de 2e ligne, ni les fatigues des travaux continus et des nuits de veille, ni les rigueurs de l'hiver froid qui raidit les membres, bise mordante, pluie transperçant les vêtements, inondant les boyaux, faisant s'ébouler les parapets, ni même la boue gluante qui salit et paralyse, rien ne put entamer l'énergie et le moral admirable de nos soldats que suffisaient à réconforter quelques journées de repos passées périodiquement dans des villages à quelques kilomètres en arrière du front, repos relatif non toujours exempt des alertes et de la visite des obus ».
Le 106ème régiment d’infanterie va perdre 600 hommes aux Eparges.


Fernand FAISSE est gravement blessé sur ce terrain le 25 avril 1915 : plaies multiples des jambes par éclats d’obus et fracture compliquée de la cuisse ayant nécessité l’amputation. Il est mort le 7 juin 1915 de ses blessures à l’hôpital auxiliaire 26 de Bar-le-Duc.

Fernand FAISSE a été inhumé dans la Nécropole Nationale de Bar-le-Duc. Il figure sur le monument aux morts de Tornac et sur celui de Nîmes. Il figure sur le livre d’or de Nîmes.


A suivre…